Ingénierie : un salarié sur cinq est issu d’une reconversion professionnelle
L’Opiiec (Observatoire prospectif des métiers du numérique, de l’ingénierie et du conseil) vient de publier (septembre 2025) une étude sur les opportunités de recrutement et la gestion des trajectoires professionnelles dans l’ingénierie. Sachant que 20 % des salariés de l’ingénierie sont issus d’une reconversion, souvent depuis des secteurs clients, l’étude fait valoir qu’il existe un vivier sous-exploité et peu accompagné par les entreprises.
Un salarié de l’ingénierie sur cinq vient d’un autre secteur
Derrière cette statistique de l’Opiiec, on découvre des profils venus du commerce, de l’industrie manufacturière ou de l’énergie. Autant de secteurs qui, hier clients des bureaux d’études, deviennent aujourd’hui pourvoyeurs de talents. Cette porosité illustre la capacité de l’ingénierie à attirer des profils atypiques. Mais elle révèle aussi une faiblesse : ces reconversions s’opèrent encore sans véritable cadre ni accompagnement.
Une offre de formation limitée pour les métiers spécialisés
Dans certains domaines comme l’acoustique, le bois ou le nucléaire, les écoles d’ingénierie sont rares. Les entreprises sont donc souvent contraintes de former en interne leurs nouvelles recrues, qu’il s’agisse de jeunes ingénieurs ou de diplômés scientifiques à l’université. Cette situation illustre bien les tensions de recrutement : comme peu de jeunes diplômés connaissent ces métiers, les structures doivent composer avec une offre limitée.
« Dans un petit cabinet, lorsqu’il s’agit de spécialités comme l’acoustique ou l’ergonomie, le choix de formation se limite bien souvent à celle qui est la plus proche géographiquement… et la plus compatible avec nos contraintes », souligne la gérante d’une TPE d’ingénierie spécialisée.
Pourquoi ce mouvement prend-il de l’ampleur ?
L’étude avance plusieurs explications. D’abord, la tension persistante sur certains métiers d’ingénieurs et de techniciens pousse les employeurs à élargir leur vivier. Ensuite, le choix vient des individus eux-mêmes. Face à des filières saturées ou à des métiers fragilisés par l’automatisation, beaucoup cherchent des débouchés plus stables et porteurs de sens. L’ingénierie, avec ses projets techniques concrets et ses passerelles avec l’industrie, offre une alternative crédible. Ce phénomène est accentué par la dynamique économique actuelle : grands chantiers liés à la transition énergétique, besoins massifs en infrastructures, transformation numérique des process.
Cette ouverture a des effets divergents. Pour les entreprises, elle représente une opportunité de pallier les difficultés de recrutement, notamment dans un contexte où l’attraction des jeunes diplômés reste complexe. Mais elle comporte aussi des risques. Faute de dispositifs structurés, les reconvertis se heurtent souvent à un déficit de formation adaptée et à des parcours internes flous. Cela peut fragiliser leur montée en compétences, voire accroître le turn-over, au détriment des PME qui investissent du temps et des moyens dans leur intégration.
Un enjeu stratégique : transformer un phénomène subi en ressource organisée
En valorisant ces profils, les entreprises de la filière peuvent renforcer leur résilience et diversifier leurs compétences. Certaines grandes structures commencent à formaliser des passerelles, mais dans l’écosystème des TPE et PME, l’accompagnement reste embryonnaire. Et pourtant, ce sont bel et bien ces acteurs de proximité qui disposent le plus souvent de la flexibilité nécessaire pour accueillir et former différemment.
À l’heure où un salarié de l’ingénierie sur cinq est issu d’une reconversion, la question n’est plus de savoir si ce vivier existe, mais comment l’organiser et l’orienter vers nos structures. Derrière cette statistique et cette idée simple se cache un vrai levier de recrutement et d’innovation sociale que la filière n’exploite encore qu’à moitié !