We do green IT : quel équilibre possible entre l’IA et nos ressources matérielles et énergetiques ?

La Commission numérique responsable de la Fédération Cinov a accueilli le 11 octobre 2024 la 9e édition de la conférence « We do green IT ». Cette matinée de conférences autour des enjeux du numérique responsable avait aussi vocation à présenter le baromètre Green IT 2024.

Évolution réglementaire et responsabilité numérique des entreprises

Une étude récente montre que, depuis 2022, les dirigeants d’entreprise s’intéressent de moins en moins aux enjeux de la RSE, contrairement à ceux de l’inflation, de l’IA ou de la croissance. Pourtant, lorsque les dirigeants décident de mettre en place des actions durables dans leur entreprise, la prise de conscience des salariés augmente. La réglementation, par sa contrainte sur la gouvernance, accélère naturellement la sensibilisation des entreprises.

Au niveau de l’État, il existe un fort paradoxe dans les réglementations entre la volonté d’une croissance forte de l’IT (essentiellement l’IA) et les engagements environnementaux qui nécessitent de recenser les impacts écologiques du numérique.

Les premiers rapports extra-financiers issus des obligations de la CSRD seront disponibles à partir du 1er janvier 2025 pour les grandes entreprises. L’analyse sur le carbone est l’une des obligations fondamentales qui masque parfois les autres enjeux (eau, biodiversité…) devant néanmoins être traités avec la même pertinence. D’ailleurs, l’esprit originel de cette directive était de réaliser une étude de la double matérialité : effet sur la performance financière et impact sur la société et l’environnement. Et cela afin d’interroger l’entreprise sur sa dépendance vis-vis des écosystèmes naturels : « Le manque de telle ressource va-t-il impacter l’activité ? ou la survie de l’entreprise ? » Cette réflexion permet d’élaborer une matrice de priorisation des enjeux et donc une liste d’actions à mener pour améliorer l’impact environnemental et sociétal des entreprises.

La CSRD possède également une dimension transformative, c’est-à-dire une analyse qualitative sur la gouvernance de l’entreprise, les moyens humains et financiers mis en œuvre. Les obligations des grandes entreprises vont s’imposer à toute leur chaîne de valeur et permettre une acculturation progressive du monde économique aux principes d’études d’impact écologique (collecte de données, analyse du risque…). Les experts en numérique responsable vont donc devenir fondamentaux pour informer les entreprises.

Les outils numériques sur la CSRD – encore immatures – se concentrent pour l’instant sur la collecte des données plus qu’à leur analyse. Il est donc important de se faire accompagner par un consultant sectoriel, d’autant plus pour les TPE-PME.

Responsabilité numérique et intelligence artificielle

L’enjeu de la consommation des ressources par le secteur du numérique s’est encore accru avec l’avènement de l’intelligence artificielle. La consommation électrique mondiale du secteur du numérique pourrait doubler (jusqu’à 1 000 térawattheures dès 2026, soit la consommation annuelle du Japon !). De même pour la consommation en eau : ChatGPT 4 consomme 3 bouteilles d’eau pour générer 100 mots. En tant qu’entreprise et individu, nous devons agir pour réduire les consommations en considérant tous les enjeux. En effet, l’impact environnemental du secteur du numérique relève de l’énergie, mais aussi des ressources en eau et de la survie de la biodiversité par exemple.

Les deux tiers du poids environnemental des data centers viennent des usages qui en sont faits : entre 30 et 70 % des consommations énergétiques sont consacrées au refroidissement. Les paramétrages sont donc essentiels, car ils permettent de définir un point d’utilisation optimal pour limiter les consommations de ressources. À noter que l’IA accompagne l’optimisation de ce paramétrage !

Mais attention ! L’activation d’un levier peut en impacter négativement un autre. Il faut donc trouver un équilibre entre la consommation de l’eau, les émissions de gaz à effet de serre et toute la chaîne d’approvisionnement notamment des ressources en propre. Pour faire les bons choix, commençons par prendre les bonnes mesures. Dans les datas centers de l’IA, l’intégration de capteurs logiciels permet de suivre le développement d’une application dans toutes ses phases pour obtenir des données concrètes. Grâce à ces calculs de performances énergétiques, le modèle comme son fonctionnement peuvent être améliorés. En France, le RGPD permet une bonne gouvernance de la gestion des données, qu’il faudrait appliquer à l’IA sur ses impacts environnementaux.

Les infrastructures accueillant les data centers de l’IA travaillent sur leurs impacts environnementaux directs (gestion des ressources énergétiques et en eau, artificialisation des sols, biodiversité) et cherchent à mutualiser les serveurs pour que chaque usage consomme moins.  Mais, plus les datas centers deviennent performants, plus ils incitent les utilisateurs à démultiplier leurs offres IA. Et ce développement exponentiel entraîne la construction de plus en plus de data centers !

Les premiers résultats du baromètre Green IT 2024 

Depuis 2015, l’Alliance Green IT propose un baromètre tous les 3-4 ans pour estimer la pénétration des actions durables dans l’usage du numérique. Cette enquête nationale de maturité sur le numérique responsable permet aux entreprises de prendre conscience des enjeux multiples de l’écologie numérique. Huit thématiques sont abordées dans cette enquête, des infrastructures aux postes de travail.

On constate qu’en 2024 il y a une plus grande prise de conscience et connaissance de la réglementation, mais encore trop peu de transformation en actions concrètes (en dehors des infrastructures). La gouvernance des entreprises est de plus en plus mobilisée, par exemple avec la création de postes relatifs au numérique responsable ou encore avec la volonté d’intégrer la stratégie numérique dans la politique RSE. En revanche, la sensibilisation des salariés est en baisse.

Les résultats complets de ce baromètre seront présentés plus en détail, lors du Green Tech Forum le 5 novembre prochain.

Retrouvez toutes les vidéos de cette matinée sur le site d’AGIT.