Marie-Hélène Borie aborde la gouvernance dans les métiers de la maitrise d'ouvrage
27 avril 2021Entretien avec Marie-Hélène Borie ingénieure et architecte.
A quelques jours du colloque organisé par la Fédération Cinov sur le thème « Gouvernance participative, gouvernance profitable : impliquer les multiples parties prenantes pour affronter l’incertitude », rencontre avec Marie-Hélène Borie. Jeune retraitée, cette ingénieure et architecte de formation a consacré sa carrière à la maîtrise d’ouvrage publique, notamment en tant que Directrice des constructions publiques et de l’architecture à la Mairie de Paris.
Qu’est-ce qui fait la spécificité des gros projets de réhabilitation ou de construction sur lesquels vous avez travaillé ?
Quand on construit un hôpital, une école, quand on rénove un musée, on se trouve face à des gouvernances complexes, avec de nombreuses personnes impliquées dans les processus de décision. Cela est normal puisque ces projets représentent de gros investissements et exigent d’anticiper la vie future d’un bâtiment, pour plusieurs décennies. Ils requièrent donc des décisions stratégiques, qui doivent aussi respecter une réglementation complexe. La complexité est en réalité inhérente à la maîtrise d’ouvrage de tels projets.
Est-il possible cependant de fluidifier ce processus de décision ?
La maitrise d’ouvrage, dont la mission est de conduire l’opération, dans les meilleures conditions de fluidité, doit commencer par bien s’organiser en son sein. Il faut que tous les acteurs qui s’y côtoient valident un accord sur les objectifs et les usages, les délais et le budget prévisionnels de l’opération. Il est indispensable de prendre le temps de travailler le projet d’usage, à partir des besoins exprimés. La solidité de la maîtrise d’ouvrage passe par le dialogue qui va s’instaurer entre sa sphère technique, qui conduit l’opération, et sa sphère politique. Il appartient par exemple à la première d’aider la seconde à définir une stratégie de prise en compte des parties prenantes, dès le démarrage du projet, avant même la définition du programme et le choix du maître d’œuvre : faut-il les informer, les associer, les consulter ? Comment et quand ? Le sujet ne doit pas être mis sous le tapis. Face à des projets compliqués, il convient de se mettre tous autour de la table, pour être sûrs de construire quelque chose d’inspirant.
Que mettez-vous derrière ce terme d’ « inspirant » ?
J’ai eu la chance de travailler pour des maîtres d’ouvrage porteurs d’une vision ambitieuse, précise et partagée, concernant le projet de vie du bâtiment à construire. C’est très inspirant, de même que le sont les questionnements, devenus incontournables, autour du bilan environnemental des opérations. Mais ces sujets étant difficiles à manier, il est de la responsabilité de la sphère technique d’interroger la maîtrise d’ouvrage sur ses ambitions en la matière et d’être force de proposition. Là encore, il faut du dialogue au sein de la maîtrise d’ouvrage. Il en faut aussi avec les usagers qui, selon mon expérience, sont souvent prêts à prendre part à de telles démarches, y compris en s’engageant dans de nouvelles perceptions du confort. Plus la période est faite d’incertitudes, plus il est prudent d’impulser de telles démarches participatives, pour ne pas éluder les questions dérangeantes. Ce n’est pas du temps perdu, bien au contraire !