INTERVIEW. Jean-Luc Reinero sur l'Habitat de demain
18 juillet 2022
Dans le cadre de la sortie de l'étude « Logement évolutif : une nouvelle manière d’habiter », née d'une réflexion de notre Think Tank Cinovaction, retrouvez ci-après l'interview d'une deux co-auteurs de l'étude (avec mme Adreani) : Jean-Luc Reinero, Psychopédagogue Ingénieur Ergonome et Fondateur du cabinet RAINBOW ERGONOMIE, et membre actif de Cinovaction :
- Quel est l’apport de cette étude par rapport à celle de 2019 ?
En 2019, l’événement particulier de la Covid-19 et des confinements ont grandement posé la question des modes de vie et de l’habitat. Aujourd’hui, cette approche sur la compréhension des modes de vie s’est encore accentuée et a posé plus largement la question de penser autrement et plus largement l’habitat.
Beaucoup d’experts s’intéressent à l’évolution de l’habitat au niveau expérimental, mais dans les orientations d’aménagement, on ne voit finalement pas grand-chose. En partenariat avec l’INSA de Strasbourg nous nous sommes donc posé la question de travailler dans une démarche prospective, et comment construire une vraie feuille de route sur le logement pour un habitat diffèrent demain.
En complément des travaux des étudiants et leurs recherches sur les formes d’habitat, l’idée est donc venue d’aller à la rencontre de différents acteurs du logement pour faire ressortir au travers d’entretiens, des avis d’experts qui montrent qu’il ne s’agit pas seulement d’un enjeu technique à construire autrement, mais surtout de penser l’urbanisation de manière différente. Il ne faut pas prendre comme seul angle de vue le vieillissement et le handicap quand on parle d’adaptabilité, mais une approche qualité de vie plus globale, sur comment tout au long de la vie, cette notion d’habitat et cet enjeu de gestion du patrimoine va pouvoir répondre aux usages qui vont changer, et aux enjeux socio-économiques des évènements de la vie.
On s’aperçoit alors que les décisions que l’on doit prendre pour aller vers une adaptabilité du logement ne sont pas si simples que ça, car ce sont des enjeux sociaux, économiques, techniques mais aussi culturels qu’il faut prendre en compte.
L’idée de ce 2e volet est de faire ressortir les éléments de débat qui nous permettraient d’organiser une table ronde avec les acteurs privés et publics de l’acte de construire et que l’Habitat devienne un véritable enjeu d‘une transition vers une démarche sociétale et éthiquement durable.
Tout l’intérêt de cette étude est de présenter des opinions extrêmement différentes sur diverses questions autour du logement, tout en arrivant à modéliser différents scénarios qui permettront d’aller vers quelque chose de plus concret.
- Pour penser Habitat sur le long terme, il faut donc prendre en compte plus que la construction elle-même mais la vie du bâtiment entière en prenant en compte toutes ces évolutions sociétales ?
Tout à fait. Ça ne touche pas que la structure du bâti. On ne peut pas réfléchir l’habitat de la même manière en fonction du contexte. Par exemple, pour des résidents qui vivent dans le sud, il faudrait absolument prendre en compte ici la poly-culturalité du lieu. Car la notion de confort d’usage ne sera pas la même selon la culture d’origine de la famille à laquelle je m’adresse. Il n’y a donc pas une vérité et une seule.
D’où l’idée de réfléchir dans la structure organique du bâtiment, pour faire des choses qui se transforment, qui se bougent, qui s’adaptent. Ça veut dire qu’il faut penser en amont techniquement les liens entre les flux et les fluides, les éléments de rangements, etc...
- Les professionnels sont-ils tous sensibilisés à ces questions ?
Non. Et cela pose justement derrière la question de la formation, de la confrontation culturelle, du regard partagé. Car au-delà de ces réflexions, il faut sensibiliser les professionnels à ces enjeux.
C’est-à-dire que demain, les concepteurs que nous sommes devront être sensibilisés à ces nouvelles orientations, ainsi que les maitres d’ouvrage. Cette évolution culturelle va venir par l’exemple et l’expérimentation, mais il va falloir, pour les générations futures, penser à des cursus de formation où, au-delà de l’acquisition technique, nous donnons aussi une acquisition de capacité de conseils, ce qui n’est pas toujours fait dans les enseignements. C’est une des raisons qui fait que cette étude est soutenue par l’OPCO Atlas, opérateur de compétences de la branche BETIC.
- On ne peut pas parler bâtiment et habitation sans parler de la RE2020. Pensez-vous qu’elle corresponde à notre société actuelle et aux enjeux du moment ?
Je ne suis pas spécialiste de la RE2020, mais à mon sens, la RE2020 pose un cadre qui évalue en mode conforme / non conforme. S’il est toujours intéressant de proposer un cadre d’évaluation, j’ai peur que cela soit, comme avec la loi sur l’accessibilité, plutôt clivant en mode noir ou blanc, sans que ça n’aide à une démarche vertueuse.
L’entretien de Julien Garnier donne du sens à cette partie sur la RE 2020 d’ailleurs. [NDLR vidéo entrevue de Julien Garnier ici ]
- Quelles actions notre think tank Cinovaction peut-il encore mener sur la question ?
L’avantage du think tank Cinovaction, à travers sa diversité de partenaires et de professionnels, est qu’il représente vraiment le témoignage des experts dans l’acte de construire et dans des échanges où recherche d’amélioration de gouvernance et de création de bulle de confiance. C’est une tribune intéressante de confrontation d’idées.
Cela pourrait devenir, je le souhaite, un véritable think tank de fortes propositions et être un acteur majeur sur cette question. Cette étude a aussi pour volonté d’interpeller un peu plus l’ensemble des acteurs pour qu’il y ait une convergence dans l’engagement.
Je pense qu’il faut qu’on arrive à être, aidés par un ensemble de décideurs économiques, de véritables porteurs autour de cette réflexion, afin de se faire entendre plus fortement dans la sphère publique.
=> Vous pouvez découvrir notre série d'interviews vidéos des experts en cliquant ici ou en cliquant ci-dessous :