Dans le cadre de la loi Climat et résilience, l’Etat prévoit la réalisation obligatoire d’un audit énergétique pour la vente des logements les plus mal classés en termes de performance énergétique (DPE de D à G). Alors que cette disposition s’appliquera à compter du 1er janvier 2022 en ce qui concerne les passoires thermiques (F et G), la Fédération Cinov prend note de la volonté des pouvoirs publics de créer un « audit réglementaire », réalisable par les diagnostiqueurs, en complément des audits énergétiques préexistants, réalisés auparavant par les seuls bureaux d’études. Elle alerte cependant sur les nombreux risques que cette nouvelle prestation comporte, au premier rang desquels la dévalorisation des compétences des bureaux d’études et des architectes.
Un projet qui discrédite les compétences des bureaux d’études…
Pour rappel, à l’heure actuelle, la phase préalable à la rénovation des logements est orchestrée par deux corps professionnels bien distincts. D’une part, les diagnostiqueurs chargés de classer chaque bien selon son degré de consommation énergétique (classé de A à G) en établissant le diagnostic de performance énergétique (DPE). D’autre part, les bureaux d’études et architectes chargés de réaliser les audits énergétiques estimant le coût réel des travaux pour les logements énergivores détectés.
Avec son projet d’« audit règlementaire », l’Etat entend accélérer l’éradication des passoires thermiques en décloisonnant les deux systèmes : à l’avenir, les diagnostiqueurs – qui s’occupaient auparavant exclusivement des DPE – pourront procéder à l’équivalent des audits énergétiques. Or, cette décision n’est pas sans risques, en premier lieu pour les bureaux d’études, architectes et ingénieurs thermiciens, qui sont actuellement les seuls professionnels autorisés à délivrer ces documents.
Cette décision suscite l’incompréhension des bureaux d’études et architectes, qui considèrent que les qualifications liées aux audits énergétiques – OPQIBI et QUALIBAT notamment – ont prouvé leur valeur ces dernières années. Ainsi, le projet d’« audit réglementaire » concurrence et dévalorise indéniablement les outils préexistants, pourtant synonymes de savoir-faire et d’expertises spécifiques. Par ailleurs, le coût plus attractif qui sera sans doute proposé aux ménages par les diagnostiqueurs pour cette nouvelle prestation participera de fait à déprécier les expertises en place.
… et qui s’opère au détriment des ménages.
Outre la dévalorisation des compétences des bureaux d’études et architectes, Cinov regrette que cette nouvelle qualification repose sur un référentiel peu qualitatif dont les contours soulèvent de nombreuses interrogations, créent une confusion pour les vendeurs et acquéreurs et engendrent un risque de sinistralité très important.
Si l’audit règlementaire proposé se veut par la sémantique équivalent à l’audit énergétique actuellement en place, il n’en reste pas moins foncièrement différent. Là où l’audit énergétique repose sur des référentiels précis établis par l’ADEME en concertation avec les différents acteurs de la profession, l’audit réglementaire serait quant à lui basé sur les seules données récoltées lors du DPE – une méthode moins précise en ce qui concerne l’identification et la valorisation des pistes d’économies d’énergie.
Par ailleurs, ce nouvel audit réglementaire ne serait pas utilisable par les ménages pour l’obtention de MaPrimeRénov’ ou des Certificats d’Economie d’Energie dans le cadre de la rénovation globale, leviers pourtant essentiels à la rénovation massive. Les futurs acquéreurs se verront donc contraints de réaliser un nouvel audit incitatif afin de pouvoir bénéficier des aides à la rénovation, cette fois réalisé par les architectes et thermiciens qualifiés. Un double coût, au détriment desdits ménages étant donné qu’il est fort probable que des différences apparaîtront tant sur les préconisations de l’audit que sur les estimations financières des travaux.
Frédéric Lafage, Président de la Fédération Cinov, met d’ailleurs en garde : « Dans la mesure où cet audit réglementaire sera opposable, nous nous interrogeons sur les modalités de prise en charge des écarts financiers entre celui-ci et l’audit énergétique, le risque étant que la différence soit endossée à terme par les collectivités. »
Cinov appelle au report du projet
A la veille de la mise en place effective de cette loi, la Fédération Cinov réitère son engagement en faveur d’une rénovation massive du parc résidentiel et concède que l’objectif annoncé de 100 000 audits par an reste difficile à atteindre en l’état. Néanmoins, l’audit énergétique actuel constitue un maillon essentiel du processus de rénovation des bâtiments, dont la qualité, la fiabilité et la clarté sont essentiels pour atteindre l’objectif susmentionné.
Par ailleurs, Cinov alerte le gouvernement face à l’impossibilité de former convenablement un nombre d’opérateurs suffisants d’ici le 1er janvier 2022 – sauf à dégrader fortement la qualité des audits qui auront inévitablement une valeur et une légitimité moindres.
« Nous regrettons aujourd’hui que cette concertation aboutisse à un nouveau dispositif qui dégrade la qualité de la prestation d’audit. Elle crée une inégalité entre les professions et les qualifications des auditeurs et trouble le message auprès des propriétaires, au détriment de l’objectif initial de massification des opérations de rénovation » ajoute Frédéric Lafage.
Face à ce constat, la Fédération Cinov appelle a minima le gouvernement à renommer cette nouvelle prestation dans le but d’éviter toute confusion entre les deux types d’audits. Elle l’enjoint également à reporter ce projet afin de satisfaire l’ensemble des parties prenantes. En effet, le calendrier de mise en application semble pour l’heure trop ambitieux dans la mesure où les solutions logicielles ne sont pas achevées et qu’à ce jour les référentiels de qualification ne sont pas suffisamment aboutis.